Qu’est-ce qu’un gilet jaune ? Je veux parler ici
De l’animal humain qui le porte sur lui
Pour être un gilet jaune et marquer son époque
Il suffit d’en mettre un. Vive la synecdoque
Car l'objet, fabriqué dans la plupart des cas
Par un enfant esclave au fond du Sri Lanka
Porte suffisamment sa dose de souffrance
Pour pouvoir dignement représenter la France
Le moindre vrai français en possède un ou deux
(Puisque le vrai français roule sur ses essieux)
Et s’il en est un seul parmi toute la faune
Qui n’en possède pas, il n’est pas gilet jaune
Conçu pour le brouillard, cette couleur fluo
Evoque l’accident dès qu’on l’a sur le dos
Elle sent les travaux, les chantiers, la visseuse
Et le marteau piqueur des classes laborieuses
Quand l'habit fait le moine avec tant de brio
Quiconque s’en revêt est sûr d’être un prolo
Oui, devant ce gilet, le bourgeois se dédie
Saisi de répulsion… C'est un coup de génie !
Mais quittons là l’écrin et voyons le diamant
Car c'est sous le gilet qu’il y a de braves gens
Et si vous les voyez bloquer les nationales
C’est qu’ils ont des raisons de faire du scandale
Tout harassés qu’ils sont d’impôts exorbitants
Vaches à lait rossées par les gouvernements
Tandis que les patrons et les grands actionnaires
Depuis la nuit des temps narguent le populaire
Lorsque l’effondrement affole le bourgeois
Qui voit la fin du monde avant la fin du mois
Eux pensent avant tout à gagner leur pitance
A l’argent du loyer et au prix de l’essence
Ils prennent à crédit, s’endettent pour dix ans
Pour aller à la queue chez Leclerc et Auchan
Sachant qu’en consommant tous ces produits infâmes
Ils ne font qu’engraisser le mal qui les affame
Ils laissent au "bobo" le soins de manger bio
Et crèvent de cancers au fond des hôpitaux
Les femmes, bien souvent, ressemblent à des hommes
Elles ont le dos rond et la fesse difforme
Et il est révoltant de penser que pour eux
Le monde est un serpent qui se mange les yeux
Que cette pauvreté depuis toujours perdure
Et qu’on manque d’argent bien moins que de culture
Mais laissons s’il vous plait ces considérations
Pour encor regarder sous le jaune veston
Et voir qu’il n’y a pas que français véritables
Mais aussi des larrons fort peu recommandables
Parmis tous les moineaux du pavé de paris
Se cachent des corbeaux et des chauves souris
Oiseaux encapuchés qui fourbissent leurs armes
Et me font frissonner jusqu’au fond de mon âme
C’est le nervis musclé du comité d’accueil
Le colleur bas du front des bas fonds d’Argenteuil
C’est le gauchiste aigri méchant comme la gale
Ruminant dans son trou noir comme une mygale
C’est le fils de bourgeois qui joue les miséreux
Et son frère jumeau l’intello cafardeux
Éternel bons à rien qui vont chercher querelle
Et crachent autour d’eux la haine universelle
C’est, et c’est encore pis, certains fort braves gens
Qui, excités ici par l’ardeur du torrent
Suivent les bas instincts des foules contenues
Pour brûler des autos et casser des statues
Les mouvements d’humeur, le courroux des suiveurs
Et la foule en furie m’ont toujours fait horreur
Et si je ne crie pas « que Macron démissionne ! »
C’est que je suis républicain, Dieu me pardonne
En revanche, je dis à tous mes bons amis
« Quelle curieuse idée d’avoir voté pour lui"
Pour moi, les gens violents sont avec la flicaille
Comme les deux cotés de la même médaille
En voyant tous ceux là, je n’ose imaginer
Un monde tout nouveau qui leur ressemblerait
A la voix de la rue, à la furie commune
Je préfère parler dans le secret des urnes
C’est pourquoi mes amis, veuillez me pardonner
Mais jamais de ma vie ne mettrai de gilet
Sans haine, sans mépris, sans ironie aucune
Je suis à vos cotés, mais reste dans ma lune
Polo, 5 12 2018